En 2019, Beyond Meat n’était pas simplement un produit. C’était une révolution. Une promesse ambitieuse : changer le monde de la viande, une bouchée à la fois. Le succès boursier fut immédiat (+163 % le jour de l’IPO), les partenariats avec les chaînes de fast-food s’enchaînaient, les consommateurs curieux accouraient… et pourtant, six ans plus tard, l’entreprise se bat pour survivre. Que s’est-il passé ?
Derrière cet échec commercial se cache une série d’erreurs stratégiques qui devraient faire figure de cas d’école pour toute marque souhaitant s’imposer sur le marché des alternatives végétales. Voici une analyse experte de cette chute et des leçons à en tirer pour l’avenir du secteur.
1. L’effet hype de Beyond Meat n’a pas suffi à créer une habitude
Beyond Meat a parfaitement orchestré son lancement. Buzz médiatique, promesses de révolution écologique et sanitaire, positionnement premium. Tout y était… sauf l’ancrage dans la vie quotidienne des consommateurs.
Contrairement au lait végétal, qui s’est installé comme un substitut simple, économique et quotidien, Beyond Meat est resté une expérience. Les consommateurs ont goûté… mais n’ont pas adopté. Comme le rappelle très justement Martin Zarian dans son analyse de marque, Beyond Meat a « capté l’attention, mais n’a pas su créer l’habitude ». Et sans habitude, pas de récurrence. Pas de business.
2. Le prix : l’ennemi de la curiosité
Beyond Meat coûtait en moyenne 4,20 $ de plus par livre que le bœuf haché classique. Même les flexitariens curieux ont vite déserté. L’inflation, le contexte post-COVID, la perte de pouvoir d’achat… tout a joué contre une proposition perçue comme élitiste.
La promesse était de « rivaliser avec la viande ». Mais à ce tarif, la marque ne s’est pas battue à armes égales. Résultat : une adoption marginale, réservée à une niche, loin du grand public nécessaire pour soutenir une croissance durable.
3. Un produit ultra-transformé qui a déçu les consommateurs « santé »
C’était censé être plus sain que la viande. Moins de graisses saturées, zéro cholestérol… mais la réalité de l’étiquette a vite refroidi les ardeurs. Longue liste d’ingrédients (une quinzaine), additifs, transformation industrielle : les consommateurs soucieux de leur santé ont eu l’impression d’être floués.
Dans un marché où « naturel », « clean label » et « transparence » sont devenus des mots d’ordre, Beyond Meat a payé cher ce grand écart entre promesse perçue et réalité produit.
4. Une expérience gustative trop… moyenne
Le goût ? « OK-ish » comme le dit Zarian dans son excellente analyse. Ni assez bon pour convaincre les carnivores, ni utile pour les végétariens ou vegans déjà convaincus. Résultat : pas de « crave factor », pas de retour d’achat. Sans attachement sensoriel, la marque n’a pas su créer un lien fort avec sa cible.
Et dans l’alimentaire, on ne triche pas longtemps avec le plaisir.
5. Un mauvais terrain de jeu
Se battre sur le terrain du burger, c’est affronter McDonald’s et Burger King sur leurs propres forces : goût, prix, plaisir immédiat. Or, les amateurs de fast-food ne sont pas les consommateurs les plus enclins à changer leurs habitudes pour une option perçue comme « santé ». Au lieu de miser sur les circuits spécialisés, la marque s’est embourbée dans une guerre de territoire mal alignée avec ses valeurs.
Leçons pour les marques de protéines végétales
Le cas Beyond Meat n’est pas un rejet du végétal. C’est un rejet d’un modèle de croissance artificiel, basé sur le battage plutôt que sur la satisfaction client. Voici les trois axes stratégiques à retenir pour les marques du secteur :
1. Penser habitude, pas hype
Le succès se construit dans la routine. Cela passe par une accessibilité prix, une simplicité d’usage, et une légitimité produit. Faire d’un burger végétal un achat aussi banal qu’un paquet de pâtes : voilà le vrai challenge.
2. Investir dans le goût et la nutrition réelle
Un produit végétal doit être bon. Mais il doit aussi être crédible nutritionnellement. Le marché réclame moins de « fausse viande » ultra-tech, et plus de solutions végétales simples, nourrissantes, transparentes.
3. Élargir sa cible au-delà des végétariens
Les végétariens représentent moins de 10 % de la population mondiale. Miser uniquement sur eux, c’est se couper de 90 % du potentiel marché. Il faut parler aux flexitariens (20 à 40 % en Europe), aux soucieux de leur santé, aux curieux… et leur parler vrai.
Perspectives : le végétal n’est pas mort, mais il doit se réinventer
Le secteur des protéines alternatives reste prometteur. La conscience environnementale progresse, les scandales sanitaires liés à la viande se multiplient, et les consommateurs sont à la recherche de nouvelles expériences. Mais cette révolution ne se fera pas sur la base d’illusions marketing ou de substituts imparfaits.
Les industriels doivent écouter le terrain : mieux comprendre les attentes des consommateurs, innover dans le goût, la texture, la nutrition… et assumer une identité propre au végétal, plutôt que de chercher à imiter la viande.
La chute de Beyond Meat n’est pas la fin de la protéine végétale. C’est l’avertissement salutaire dont l’industrie avait besoin.
Source principale du contenu :
Analyse de Martin Zarian – « The Rise and Fall of Beyond Meat » via Factory39.io